Depuis longtemps, un des buts des groupes anti-sectes en France a été de créer un fossé entre les religions conventionnelles et les nouveaux mouvements religieux ou spirituels en les catégorisant dans un domaine à part, celui des sectes.

En effet, il aurait été ainsi plus facile, afin de les anéantir, de ne pas soumettre ces groupes à  la protection de l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à la protection de l’article  9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ainsi qu’au respect de la Laïcité et de la diversité religieuse.

Après des années de travail auprès des institutions étatiques, des médias, de la société civile, du monde religieux et universitaire, de l’opinion publique, apparaissent les prémices d’une acceptation et d’une compréhension de la conscience collective, que la liberté religieuse et de croyance ou non croyance s’applique à chacun sans distinction de taille, d’âge ou de spécificité du mouvement choisi et que peut-être serait-ce cela la Laïcité.

Au niveau international, et européen par exemple, le mot « minorité religieuse » jusqu’à quelques temps signifiait une religion qui se trouve en minorité dans un pays qui a une religion majoritaire. Par exemple, étaient qualifiés de minorité religieuse les Chrétiens dans un pays musulman.

Depuis peu, et après le rappel incessant de certains groupes et ONG impliqués dans la défense des minorités religieuses et des nouveaux mouvements spirituels ainsi que  de certains mouvements religieux eux-même, l’idée que la dénomination d’un groupe par le mot « secte » est en réalité dénuée de sens général et juridique et reste péjoratif et discriminatoire commence à être intégrée.

Rappelons ici qu’en France, il n’existe aucune définition légale du mot « secte » et qu’il ne peut être attribué à aucun groupe :

« 1°) Le rapport parlementaire de MM. Alain GEST et GUYARD n’a pas d’effet juridique sur l’action administrative de l’Etat en matière de ce que le langage courant dénome « sectes » celles-ci étant, comme toutes religions simplement soumises au droit commun. » – Lettre du ministère de l’Intérieur du 10 mars 1998.

Le concept que le paysage religieux mondial ne se résume plus à la conception moyenâgeuse de 4 ou 5 religions réparties sur des continents respectifs, mais qu’une grande diversité existe et que de nouveaux mouvements se créent et ont la même légitimité que les grandes religions traditionnelles,commence à être reconnu au niveau des  institutions internationales et européennes comme l’ONU, l’OSCE etc.

« Il existe une grande diversité de religions et de croyances et les termes «religion» et «conviction» sont au sens large. La liberté de religion ou de conviction n’est pas limitée dans son application  aux seules grandes religions ou convictions traditionnelles ou aux religions et croyances ayant des caractéristiques ou des pratiques institutionnelles analogues à celles des conceptions traditionnelles. Le droit à la liberté de religion ou de conviction protège les détenteurs de convictions théistes, non théistes et athées, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou conviction. Cela signifie que les communautés religieuses ou de conviction nouvellement établies et celles considérées comme des minorités religieuses doivent bénéficier de la même protection que la communauté religieuse prédominante. » – Freedom of Religion or Belief and Security Policy Guidance OSCE ODIHR Publication 2019.

En France, avec l’annonce début octobre 2019 de la prochaine intégration de la Miviludes au ministère de l’Intérieur par le gouvernement français, il semblerait qu’enfin, les notions d’égalité et de diversité en matière de croyance aient été entendues par le gouvernement et qu’une Mission Interministérielle pour gérer la diversité religieuse et les questions juridiques des groupes religieux était superflue et faisait double emploi avec le ministère des Cultes pour la diversité religieuse et avec le ministère de la Justice pour les problèmes légaux et que l’arsenal des lois françaises pouvait être appliqué aux groupes minoritaires et à leurs membres à l’instar de tout citoyen français pour une infraction à la Loi.

« Le gouvernement confirme l’importance accordée à la prévention et à la lutte contre les dérives sectaires. Rattachée au ministère de l’Intérieur, la Miviludes pourra exercer ses missions en pleine articulation avec le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. (CIPDR)»-Article Marianne.net du 4/10/19.

 La Miviludes, eût souvent pour seule fonction celle de stigmatiser et d’étiqueter des groupes en les qualifiant de sectes, et de déterminer quel mouvement est un mouvement à « dérive sectaire », ceci  bafouant le principe de laïcité, la présomption d’innocence, et les liberté de croyance et d’expression. Certains dossiers ont montré que la Miviludes, malgré le fait qu’elle le nie,  en récupérant des informations souvent non vérifiées fournies par les associations anti-sectes telles que l’UNADFI,  les ADFIs, CCMM, CAFFES, GEMMPI, FECRIS, Secticide, Centre de Cartographie et d’Etude des Croyances et consorts  continuait à se baser sur le rapport parlementaire de 1995 établissant une liste des sectes et annulé en 2005 par une Circulaire du Premier Ministre.

Déjà en 1998 le ministère de l’Intérieur déclarait :

« Aucun groupement n’a donc jamais été classé comme « secte » par la République, qui aux termes de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, ne reconnaît aucun culte, et ne peut par conséquent porter aucun jugement sur le contenu de telle ou telle croyance. »

« 2°) Toute personne ou groupement injustement mis en cause par un article de presse à la faculté d’agir en justice, comme n’importe quel citoyen. »

De plus, une loi spécifique au traitement des religions par la presse ne pourrait qu’apparaître comme une rupture du principe de laïcité. »

Au sein même de l’anti-sectarisme français, certains militants reconnaissent l’échec de cette stratégie de vouloir dissocier certains mouvements des autres. Cette technique d’isoler le plus faible du troupeau pour pouvoir le tuer est certainement une technique de chasse efficace dans le monde animal mais ne peut s’appliquer comme méthode d’élimination des groupes qui dérangent les idéologies conservatrices et traditionnelles.

« Je vois plutôt dans la dissolution de la Miviludes le symptôme d’un processus de modification de la laïcité, destiné à se calquer sur une vision anglo-saxonne, fondée sur une définition extensive de la liberté de conscience, quitte à assurer une visibilité inédite aux dérives sectaires » – Didier Pachoud – Président du GEMMPI (Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la prévention des individus). Article dans Marianne.net du 04/10/19.

« En intégrant le ministère de l’Intérieur, la Miviludes se trouve aussi associée au ministère des Cultes. Ce qui revient, en un sens, à associer les groupes sectaires à des religions. » Charline Delporte- Présidente de la CAFFES. Article dans Marianne.net du 04/10/19.

La Miviludes fût malgré elle, le gage de légitimité de tous les « anti-sectes français »  pour servir leurs intérêts propres, leurs croisades souvent personnelles contre tel ou tel mouvement, telle ou telle idéologie, ou pour s’assurer une célébrité politique et surtout assurer la survie financière de leurs associations.

(Voir le livre Étienne Ollion, Raison d’État. Histoire de la lutte contre les sectes en France)

Dans ces temps de restrictions budgétaires, le choix du gouvernement de se séparer d’une Mission interministérielle dont la mission était déjà traitée par d’autres organes ministériels et qui s’avère au bout de 17 ans d’existence n’avoir rien fait d’autre que de créer en France un climat d’intolérance à la différence et à la diversité et de ternir considérablement l’image du pays des Droits de l’Homme à l’étranger.

En effet, la Miviludes « enviée par le monde entier » selon les déclarations de Mr Fenech sur France Inter le 01/10/19 n’a trouvé d’écho qu’en Fédération de Russie et en République Populaire de Chine, pays célèbres pour leur interprétation douteuse des droits de l’Homme.

L’intégration de la Miviludes au CIPDR lui redonnera une utilité publique et réelle : combattre les véritables dérives sectaires et principalement celle de la radicalisation extrémiste qui constitue un véritable danger pour la sécurité nationale et la démocratie.

Bernard Constant
06/10/2019

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