01/08/2019 Marco Respinti
Un rapport détaillé de l’UNPO montre comment Pékin, aux côtés d’autres régimes autoritaires, empêche, par des moyens légaux et illégaux, la voix des persécutés d’être entendue sur la scène internationale.
Et si le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devenait lui-même son pire ennemi ? Un rapport important intitulé Un espace compromis : manipulation et blocage des mécanismes onusiens des droits humains, a été publié conjointement par l’Organisation des nations et des peuples non représentés (UNPO), en collaboration avec l’université d’Oxford et le Centre pour la justice au Tibet (une association juridique américaine basée à Oakland, Californie, fondée en 1989, qui défend les droits humains et l’autodétermination du peuple tibétain), avec le soutien du Conseil de recherche économique et sociale du Royaume-Uni. Ce rapport montre comment des régimes autoritaires manipulent l’ensemble du système des droits humains des Nations unies pour saper tous les efforts visant à les obliger à rendre des comptes pour les crimes contre l’humanité et les violations de la dignité humaine qu’ils ont commis.
Dans le rapport lancé à l’occasion de la Conférence ministérielle pour la promotion de la liberté religieuse, trois pays suscitent des préoccupations majeures. Il s’agit de l’Iran, de la Russie et, bien sûr, de la Chine. Les données qu’il contient, basées sur des interviews et des témoignages de 77 défenseurs des droits humains issus de différents groupes ethniques, ont été obtenues à l’issue d’une étude qui a duré trois ans.
Fondamentalement, les pays tyranniques tentent d’empêcher les minorités d’accéder au Conseil. Par exemple, ils recourent à la ruse et à d’autres actes visant à manipuler le système onusien afin d’empêcher les groupes de la société civile de participer aux réunions de l’ONU en s’assurant qu’ils se voient refuser le statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC), le rang le plus élevé accordé aux organisations non gouvernementales. Ils bloquent aussi l’accès des représentants de la société civile au siège de l’ONU en mobilisant des membres d’organisations parrainées par le gouvernement qui harcèlent et intimident les militants et leurs familles, chez eux ou à l’étranger. Cela rappelle une technique que le PCC utilise constamment, même si elle n’aboutit à aucun résultat ou même si elle lui est parfois défavorable, comme ça a été le cas en Corée du Sud avec Mme O Myung-ok, une militante locale anti-sectes et compagne de route.
M. Ralph J. Bunche III, Secrétaire général de l’UNPO, a expliqué à Bitter Winter : « L’Iran, la Russie et la Chine ont une double approche à cet égard. Ces pays utilisent toutes les procédures existantes de l’ONU et manipulent positivement le système juridique. Il s’agit d’une combinaison entre légalité et illégalité. » Plus précisément, la Chine, ajoute M. Bunche, « a emprisonné des militants issus des communautés ouïghoure, tibétaine et de Mongolie méridionale, qui ont cherché à se rendre à l’ONU. Ainsi, aucun Tibétain du Tibet qui agit indépendamment du gouvernement chinois n’a jamais réussi à quitter le Tibet occupé par la Chine pour témoigner devant l’ONU à Genève ou à New York, puis à rentrer sain et sauf. »
Un autre exemple criant est celui de M. Dolkun Isa, aujourd’hui président du Congrès mondial ouïghour de Munich (Allemagne), qui est également vice-président de l’UNPO. M. Bunche déclare à son sujet : « Il s’est vu régulièrement refuser le statut d’ECOSOC des Nations unies en raison des pressions exercées par la Chine (…) Plus encore : lui et ses partisans ont été suivis et harcelés à l’intérieur même du bâtiment de l’ONU et M. Isa a été pris pour cible comme “terroriste” pendant des années à cause de l’influence de Pékin, même s’il n’y a jamais eu de preuve de son implication avec un quelconque groupe terroriste. »
L’UNPO est une organisation internationale non gouvernementale composée de plusieurs membres. Son Secrétaire général nous raconte : « Elle a été fondée en 1991 aux Pays-Bas pour les besoins des exilés des régimes communistes et avec leur concours, afin de donner une voix aux personnes non représentées sur la scène internationale. » L’organisation a un bureau à Bruxelles, en Belgique, un emplacement stratégique puisque c’est là que se trouve le Parlement européen. Elle ouvrira aussi prochainement un bureau aux États-Unis et un autre à Genève, en Suisse, siège européen des Nations unies. M. Bunche explique : « Elle représente 46 nations et peuples et compte un total de 250 millions de personnes. » La plupart des situations auxquelles ces personnes sont confrontées sont dramatiques, beaucoup sont tragiques ; celle des Ouïghours en Chine est effroyable et constitue un génocide culturel.
Pourquoi les Ouïghours sont-ils si durement réprimés en Chine ? « C’est le résultat de deux attitudes », interprète M. Bunche. « Tout d’abord, le régime chinois veut se débarrasser de la diversité en tant que telle. Les Ouïghours ne sont pas des Han, et ils doivent donc tout simplement disparaître. Deuxièmement, ils sont, malheureusement, au centre même de la tentative de mettre en œuvre le projet de la Nouvelle route de la soie. Ils représentent un obstacle physique qui doit être brisé et supprimé. » Quiconque souhaite contribuer à alléger leurs souffrances « devrait exiger de la Chine qu’elle arrête ses abus et élimine les camps de concentration où sont actuellement détenues des millions de personnes dans la région. Cela signifie également que la Chine ne peut être traitée comme un allié stratégique tant que cette situation perdure. En effet, travailler avec la Chine n’améliorera pas la situation. » Et la situation des Ouïghours dans le Xinjiang, conclut le dirigeant de l’UNPO, est « révélatrice de ce qui se passe dans le monde aujourd’hui. »