Dans le cadre du projet « Le droit à la vérité », annoncé le 4 février dernier à Florence à l’issue de la présentation du livre des actes du congrès de la FOB, Patricia Duval, avocate des droits de l’homme à Paris, membre du Comité scientifique de la FOB, a rédigé l’article suivant pour le prestigieux magazine Coscienza e Libertà. Dans cet article, elle stigmatise le rôle de certaines organisations, présentes dans toute l’Europe, dans la fabrication de fausses informations qui alimentent des campagnes de haine et d’intolérance religieuse.
Patricia Duval a fait partie des orateurs de la convention « Loi et liberté de croyance en Europe, un parcours difficile » des 18 et 19 janvier 2018, avec une intervention intitulée « La neutralité de l’État et les mouvements anti-sectes : le cas de la France ». La vidéo associée peut être vue en suivant ce lien.
Avocate de Droits de l’Homme, Paris
Membre du Comité scientifique de la FOB
(écrit pour Coscienza e Libertà no 56, page 40 – www.coscienzaeliberta.it)
Bien qu’il soit parfaitement légitime que les religions cherchent à garantir l’orthodoxie des croyances et des pratiques de leurs fidèles, l’intervention des États en la matière est illégitime au regard des normes internationales relatives aux droits de l’homme et du principe de la neutralité de l’État en matière religieuse aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres conventions internationales relatives aux droits de l’homme.
Cependant, des États et des régimes totalitaires se sont efforcés, de temps à autre tout au long de leur histoire, de réprimer la liberté de religion ou de conviction lorsqu’ils estimaient que la religion mettait en péril leur contrôle sur la population ou menaçait leur pouvoir politique. À cette fin, ils justifiaient leurs actes par la nécessité de protéger la « santé spirituelle » des citoyens ou, en s’appuyant sur des Églises prédominantes pour renforcer leur pouvoir politique, la « sécurité spirituelle » de leur peuple.
Il est intéressant de noter que les minorités religieuses considérées comme une menace pour la sécurité, la santé ou le bien-être spirituels des citoyens continuent à être systématiquement qualifiées de « sectes » et réprimées.
Cet article passera en revue la perpétuation de ce type d’idéologie à l’époque moderne, avec les cas typiques de l’Allemagne nazie dans les années 1930 et, plus récemment, de la Serbie et de la Russie.
La « santé spirituelle » dans l’Allemagne nazie
Dans une Directive signée en 1937, Reinhard Heydrich, responsable de la Sécurité intérieure de l’Allemagne nazie, a dressé le cadre pour la répression de certaines sociétés religieuses et des « sectes », ainsi pour l’arrestation et l’internement en camp de concentration de toutes les personnes liées à celles-ci (traduction du Document de Nuremberg D-59).
Dans la lutte actuelle pour le sort du peuple allemand, il est nécessaire de préserver non seulement la santé physique, mais aussi la santé spirituelle de notre peuple, à la fois individuellement et collectivement. Le peuple allemand ne peut plus être exposé à des enseignements occultes qui prétendent que les actions et les missions de l’être humain sont soumises à de mystérieuses forces magiques.
Des mesures immédiates furent prises contre les groupes suivants, entre autres : astrologues, occultistes, spirites, diseurs de bonne aventure, guérisseurs, adeptes de la Science chrétienne, adeptes de l’Anthroposophie, adeptes de la Théosophie.
Se fondant sur le même concept de « santé spirituelle » du peuple allemand, la Gestapo publia dès 1933 une liste de sectes interdites parmi lesquelles se trouvaient : les Témoins de Jéhovah, les Adventistes du Septième Jour, les Pentecôtistes, etc.
Bien qu’elle n’entraîne pas aujourd’hui les mêmes conséquences mortelles pour les membres de minorités religieuses que dans l’Allemagne nazie, la lutte contre les soi-disant « sectes » repose depuis, dans certains pays d’Europe orientale, sur des préoccupations similaires pour la sécurité spirituelle.
« Assassinat spirituel » en Serbie
Plus récemment, en Serbie, des minorités religieuses ont été qualifiées de sectes et accusées de mettre en oeuvre « l’assassinat spirituel » du peuple serbe.
Le représentant en Serbie de la Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur le Sectarisme (FECRIS), réseau d’associations luttant contre les « sectes », a développé ce concept.
Le colonel Bratislav Petrović, représentant de la FECRIS en Serbie, était le neuropsychiatre à la tête de l’Institut de santé mentale et de psychologie militaire de l’armée yougoslave sous le régime de Milosevic et était spécialisé dans la sélection et la préparation psychologique des soldats de l’armée de Milosevic avant leur envoi au combat
En 1993, alors que le nettoyage ethnique et religieux était en cours dans l’ex-Yougoslavie contre les Catholiques croates et les Musulmans de Bosnie, Petrović a condamné les minorités religieuses présentes en Serbie, les accusant d’être des organisations terroristes et les qualifiant opportunément de « sectes »..
Plus tard, en compagnie de Zoran Luković, un capitaine de police du ministère des Affaires intérieures de Serbie, Petrović a accusé les minorités religieuses d’être des criminels, des terroristes, des trafiquants de drogue et des meurtriers.
Le capitaine Zoran Luković a publié en 2000 un livre intitulé « Sectes religieuses et orthodoxie ». Dans ce livre, Luković a consacré un chapitre à chaque groupe qu’il qualifiait de « secte ».
Parmi les « sectes pseudo-chrétiennes », il énumérait les Adventistes, les Témoins de Jéhovah, les Mormons, les Pentecôtistes, l’Église chrétienne des frères évangélistes, l’Église orthodoxe occidentale, entre autres.
Parmi les « sectes syncrétistes », il incluait les Rosicruciens, les Francs-Maçons, le NewAge, la Scientology, l’Église de l’Unification. Parmi les « sectes pseudo-hindoues », il énumérait des centres de yoga, la Méditation transcendentale, Hare Krishna et le Falun Gong.
Il terminait par les sectes « occultes et magiques », telles que l’astrologie, la théosophie, l’anthroposophie et enfin les « sectes sataniques »
Le livre a reçu au dos de sa couverture le soutien de Mgr Porfirije, de l’Église orthodoxe serbe, et du colonel Petrović, représentant de la FECRIS. Mgr Profirije écrivait : « Ce livre est rempli de données authentiques exposant les sectes, une par une, en tant que groupes répandant la terreur et la violence spirituelles ». (soulignement ajouté)
Ce livre a été largement promu par le colonel Petrović, Zoran Luković et des représentants de l’Église orthodoxe serbe dans le cadre de leur croisade pour une Serbie orthodoxe pure. Les médias qu’ils ont générés dans le cadre de leur campagne anti-hérésie étaient conçus pour éliminer les croyances ou les philosophies de ces groupes de Serbie.
Petrović était très clair sur ce point. Son slogan était : « L’assassinat spirituel est plus terrible que l’assassinat physique », comme il l’a exprimé dans le titre de son intervention lors de la conférence annuelle de la FECRIS tenue à Barcelone en 2002.
À la suite de cette campagne, la haine contre les minorités religieuses s’est répandue en Serbie, provoquant des incidents violents à l’encontre de leurs membres et de leurs lieux de culte.
L’ONG Youth Initiative for Human Rights in Serbia (Initiative des Jeunes pour les Droits de l’Homme en Serbie) a déposé plainte en 2005 contre Zoran Luković, affirmant que la création d’un « climat de rejet et de peur parmi les citoyens » et le « regain de haine et d’intolérance religieuse » avaient entraîné « 300 incidents à fondement religieux de 2001 à 2005 en Serbie ».
Cependant, le capitaine Luković qui, en sa qualité de haut responsable du ministère des Affaires intérieures de Serbie, avait affirmé lors d’une conférence que « les seules vraies religions ont émergé à l’époque du Christ », a apparemment bénéficié d’une certaine protection puisque le Procureur de Belgrade a abandonné les poursuites à son encontre.
« Sécurité spirituelle » en Russie
En Russie aujourd’hui, les minorités religieuses sont réprimées pour protéger la « sécurité spirituelle » du peuple russe.
En octobre 1990, une Loi sur la liberté de religion a été adoptée sous le gouvernement Gorbatchev, l’une des dernières réformes législatives de libéralisation introduites dans l’ancien système soviétique et l’une des plus décisives. Pour la première fois dans l’histoire de la Russie, la pratique de la religion était déclarée “droit inaliénable des citoyens russes”. Ce droit s’appliquait également à tous ceux qui résidaient en Russie, quelle que soit leur nationalité. Cette loi maintenait une stricte séparation entre l’Église et l’État, assurait la neutralité idéologique de l’État et garantissait l’égalité des droits pour toutes les religions, quelles que soient leur origine et leur taille.
Conséquence immédiate de la loi, le paysage religieux russe a commencé à changer de manière significative. Elle a amené une renaissance de l’Église orthodoxe russe et des autres religions « traditionnelles », musulmane, catholique, juive et bouddhiste, et a également suscité des activités missionnaires venues de l’étranger, ainsi que des activités de prosélytisme de religions qui étaient nouvelles en Russie.
Cette évolution a donné naissance à un puissant mouvement anti-sectes, concentré dans le Patriarcat de Moscou de l’Église orthodoxe russe, qui a commencé à mettre en avant le concept selon lequel la « sécurité spirituelle » et les valeurs traditionnelles de la Russie étaient en quelque sorte en danger
En novembre 1996, l’évêque orthodoxe Kirill, qui fut élu par la suite, en 2009, Patriarche de Moscou et de toute la Russie, a évoqué publiquement le problème du prosélytisme auquel était confrontée l’Église orthodoxe russe (Russian Orthodox Church – ROC). Il a souligné qu’une fois que la loi de 1990 avait permis la liberté de conscience, « des hordes de missionnaires se sont précipitées, croyant que l’ancienne Union soviétique était un vaste territoire missionnaire ».
Selon lui, au lieu d’aider l’Église orthodoxe dans ses efforts missionnaires, ces groupes de prosélytisme agissaient contre l’Église « comme des boxeurs sur un ring avec leurs muscles gonflés, donnant des coups ». Il a ajouté que ces coups étaient dirigés contre les « sentiments religieux et nationaux des gens », aboutissant à un état où, pour beaucoup de Russes, « “non orthodoxes” désigne ceux qui sont venus détruire l’unité spirituelle du peuple et la foi orthodoxe – des colonisateurs spirituels qui, par des moyens honnêtes ou douteux, tentent d’arracher les gens à leur Église. ».
Aux yeux des responsables religieux de l’Église orthodoxe, la Russie était en train de perdre son identité culturelle en tant que nation orthodoxe. Dans cette atmosphère, où l’Église orthodoxe croyait qu’elle était attaquée, tout comme la culture russe, le gouvernement de Boris Eltsine a adopté une nouvelle loi sur la religion en septembre 1997, qui établissait une différence entre les religions traditionnelles et non traditionnelles en Russie.
La Loi de 1997 sur la liberté de conscience et les associations religieuses prévoyait de sérieuses restrictions à l’enregistrement d’organisations religieuses, et ainsi aux activités des groupes religieux d’origine étrangère. Les communautés religieuses enregistrées en vertu de la loi de 1990 devaient se réenregistrer ; beaucoup se sont ensuite vu refuser le droit de réenregistrement et ont par conséquent contesté cette décision négative devant les tribunaux nationaux, puis devant la Cour européenne des droits de l’homme. L’Armée du Salut, les Jésuites, les Témoins de Jéhovah et l’Église de Scientology notamment ont porté de telles affaires devant la Cour européenne
La loi de 1997, ainsi que les positions idéologiques et la politique qui ont été ensuite adoptées par les autorités russes, ont toutes été inspirées par la volonté de garantir la « sécurité spirituelle » de la Russie, un concept nouveau exprimant le prétendu rôle de l’Église orthodoxe russe dans la sauvegarde des valeurs et de la sécurité nationales.
Dans Concept de sécurité nationale de 2000, l’administration Poutine a expliqué ce concept :
« Garantir la sécurité nationale de la Fédération de Russie implique également de protéger l’héritage culturel, spirituel et moral, ainsi que les traditions et les normes historiques de la vie publique, et de préserver le patrimoine culturel de tous les peuples de Russie. L’État doit avoir pour politique de préserver le bien-être spirituel et moral de la population, d’interdire l’utilisation de temps d’antenne pour promouvoir la violence ou les bas instincts, et de contrecarrer les effets néfastes des organisations religieuses et des missionnaires étrangers. »
La sécurité spirituelle sert alors de base à une campagne fondée sur la paranoïa vis-à-vis des ennemis « étrangers » et des idées « étrangères », ainsi qu’à des mesures visant à restreindre indûment la liberté de religion ou de conviction des citoyens russes qui ont décidé de suivre un chemin spirituel non consensuel.
Les membres de la Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme (FECRIS) en Russie jouent un rôle de premier plan dans cette campagne et cette politique répressive.
La Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme (FECRIS)
Dans une large mesure, la responsabilité des tensions religieuses croissantes qui ont abouti à l’adoption de la loi de 1997 revient au mouvement anti-sectes russe, et en particulier au principal militant anti-sectes, Aleksandr Dvorkin. Dvorkin a été le principal agitateur responsable de la popularisation du nouveau terme de “sectes totalitaires” qu’il utilise contre les minorités religieuses pacifiques.
Aleksandr Dvorkin est le vice-président de la FECRIS et dirige l’association membre de la FECRIS en Russie, le Centre d’études religieuses Saint Irénée de Lyons, qui a été fondé en 1993 avec la bénédiction du Patriarche de Moscou et de toutes la Russie, Alexey II, et qui est un département missionnaire de l’Université orthodoxe St Tikhon à Moscou.
Dvorkin a été impliqué dans les discours de haine et le dénigrement contre les soi-disant « sectes » depuis vingt ans, alimentant la suspicion et les préjugés qui ont mené à la répression, telle que l’interdiction et l’emprisonnement, sans parler de l’incitation à la haine qui a mené aux violences physiques, aux menaces, au vandalisme et autres agressionssimilaires.
Discours de haine
Dvorkin répand de la désinformation selon laquelle les minorités religieuses sont en réalité des agents étrangers agissant comme des ennemis de la Russie. Par exemple, il a déclaré que :
« Les Mormons sont une énorme société commerciale internationale qui opère sous couvert d’une organisation religieuse. De plus, nous pouvons rappeler plusieurs cas où des missionnaires mormons américains ont été repérés sur le terrain d’installations militaires secrètes. Pendant de nombreuses années, les experts ont parlé d’une relation étroite entre cette organisation et la CIA. »
Et à propos des Pentecôtistes :
« Nous pouvons aussi rappeler l’aspect politique de l’activité de cette secte. Alexei Ledyaev, l’un des plus célèbres prédicateurs néo-pentecôtistes de l’espace post-soviétique, parle ouvertement de la nécessité de créer un nouvel ordre mondial dans lequel les néo-pentecôtistes régneront avec le président américain en tête. »
Concernant les pratiquants spirituels du Falun Gong qui étaient persécutés en Chine, Dvorkin a déclaré :
«Le Falun Gong est une secte totalitaire stricte, dont les membres sont utilisés par son chef dans sa vendetta contre le gouvernement chinois et qui, à son tour, est instrumentalisé par les services secrets américains à des fins de politique extérieure. »
En mai 2008, alors qu’il était invité à faire une conférence à Pékin pour soutenir la répression des pratiquants du Falun Gong par le gouvernement chinois, Alexander Dvorkin a déclaré :
« Ils transforment les individus en outils des sectes et détruisent leurs familles. Les sectes portent atteinte aux individus, aux familles, aux sociétés et aux pays comme des “cellules cancéreuses” dans un corps en bonne santé. Les sectes n’apporte aucune contribution à la société. Mais elles en absorbent continuellement les ressources humaines et les richesses. Comme les cellules cancéreuses, elles se nourrissent du corps sain de la société jusqu’à ce qu’elle s’écroule. »
Cette conférence a été tenue à un moment où la communauté internationale et les organisations de défense des droits de l’homme avaient publié de nombreux rapports dénonçant la persécution et les atrocités commises contre le Falun Gong par les autorités chinoises, notamment la déportation et la torture.
Néanmoins, Dvorkin, chef du mouvement anti-sectes russe, a soutenu publiquement la répression du Falun Gong par la Chine et a comparé les membres du Falun Gong à des « cellules cancéreuses », prônant implicitement leur élimination.
Ce discours de haine, largement répercuté dans les médias, a alimenté l’animosité à l’égard des minorités religieuses en Russie et a incité, ou peut-être permis au gouvernement d’adopter sa politique répressive actuelle.
Des incidents de violence physique ont également résulté de cette incitation à la haine, dont des violences contre des personnes, des insultes verbales, des menaces ou des attaques physiques; et des violences contre les biens, y compris des actes de vandalisme et des attaques contre les lieux de culte, les biens de la communauté et les résidences des membres de groupes religieux.
Une autre application du concept de « sécurité spirituelle » en Russie est l’envoi d’adeptes de minorités religieuses vers des « Centres de réhabilitation ».
« Réhabiliter » les adeptes de religions non traditionnelles
La branche russe de la FECRIS, le Centre d’études religieuses Saint Irénée de Lyons, est la principale organisation de l’Association russe des centres d’étude des religions et des sectes. Alexander Dvorkin est également son président.
Cette association fonctionne avec un réseau dit “d’initiatives de parents”. Ceux-ci conseillent les familles qui ne sont pas d’accord avec le choix d’un membre de leur famille d’adhérer à une religion non traditionnelle et organisent son transfert dans un soi-disant “centre de réhabilitation” où il est “éclairé” sur le danger des sectes et sur la façon dont les sectes pratiquent la manipulation mentale. On persuade alors la personne d’accepter la religion orthodoxe car, selon leurs dires, si quelqu’un croit vraiment au Christ, il est protégé des différentes sectes.
Le Centre d’études religieuses Saint Irénée de Lyons explique sur son site Internet comment traiter les personnes « prises au piège des sectes » : « Le processus de sortie grâce à une influence externe implique un psychologue, des proches et un spécialiste des sectes, afin d’éveiller l’esprit critique envers la secte et de se débarrasser de la dépendance émotionnelle envers elle. Ensuite, il implique de connecter la personne au catéchiste orthodoxe, de préférence un prêtre offrant les véritables alternatives religieuses et idéologiques. »
Cette approche rappelle la très critiquée « déprogrammation », où des adeptes de minorités religieuses étaient soumis à une pression psychologique pour leur faire renier leur religion. Cette pratique a été interdite aux États-Unis et dans plusieurs pays de l’Union européenne.
Elle enfreint le droit des adeptes à la liberté de religion ou de conviction au titre de l’article 18.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix. » Ce droit est également protégé par la Convention européenne des droits de l’homme.
Droit International des Droits de l’Homme
Le concept même de « sécurité spirituelle » d’État viole le droit international des droits de l’homme et les normes que les pays se sont engagés à respecter.
La sécurité de l’État ne peut motiver une limitation de la liberté de religion ou de conviction et de ses manifestations, excepté dans les cas prévus ci-après.
L’article 9.2 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit des limitations très spécifiques pouvant être autorisées pour restreindre le droit à la liberté de religion ou de conviction. Ces limitations doivent être prescrites par la loi et nécessaires dans une société démocratique dans l’intérêt de la sécurité publique, de la protection de l’ordre public, de la santé ou de la morale, ou de la protection des droits et des libertés d’autrui.
De même, l’article 18.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui. »
La « sûreté publique », ou « sécurité publique » dans les versions françaises de ces traités, n’a rien à voir avec la « sécurité spirituelle » et la régulation des croyances spirituelles.
Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a expliqué dans son Observation générale n ° 22 sur le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion :
« L’article 18 protège les croyances théistes, non théistes et athées, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou conviction. Les termes “croyance” et “religion” doivent être interprétés au sens large. L’article 18 n’est pas limité dans son application aux religions traditionnelles ou aux religions et croyances présentant des caractéristiques institutionnelles ou des pratiques analogues à celles des religions traditionnelles. Le Comité voit par conséquent avec inquiétude toute tendance à discriminer n’importe quelle religion ou conviction pour quelque motif que ce soit, y compris le fait qu’elles soient nouvellement établies ou qu’elles représentent des minorités religieuses pouvant être l’objet d’hostilité de la part d’une communauté religieuse prédominante. »
À cet égard, les Rapporteurs Spéciaux successifs des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction ont affirmé qu’on ne devrait jamais employer l’étiquette péjorative de « sectes » pour justifier la répression de minorités religieuses.
Les États ont un devoir de neutralité en matière religieuse en vertu du droit international des droits de l’homme. Ils ne peuvent pas évaluer la légitimité des croyances et ne doivent pas prendre parti ou favoriser une religion dominante au détriment des autres – un devoir qui a été constamment affirmé par la Cour européenne des droits de l’homme et les institutions des droits de l’homme des Nations unies.
Patricia Duval