La MIVILUDES contrainte à retirer de son rapport annuel 2021 onze déclarations diffamatoires à l’encontre Témoins de Jéhovah
Version française (*)
Willy Fautré, directeur de Human Rights Without Frontiers
HRWF (21.07.2025) – Le 11 juillet 2025, la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a de nouveau perdu un procès contre les Témoins de Jéhovah français – la Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah de France (FCTJF) -, comme cela s’était déjà produit le 14 juin 2024.
Les Témoins de Jéhovah avaient initialement intenté une action en justice contre le ministère français de l’Intérieur, dont dépend la MIVILUDES, afin d’obtenir la suppression de 19 passages du rapport annuel 2021 de la MIVILUDES que les Témoins de Jéhovah considéraient comme diffamatoires.
Ces passages, figurant entre les pages 61 et 69 du rapport, étaient censés déformer les croyances et les pratiques des Témoins de Jéhovah et violer leurs droits fondamentaux.
Une première décision rendue en 2024 par le tribunal administratif de Paris a donné raison aux Témoins de Jéhovah français. Il a jugé que 11 passages devaient être supprimés. La MIVILUDES a refusé de les retirer de son rapport annuel 2021 mais a de nouveau perdu son procès.
La Cour a estimé que la MIVILUDES avait outrepassé son mandat en présentant des accusations non fondées comme des faits, et que ces déclarations pouvaient avoir des effets négatifs notables sur la réputation et les droits des Témoins de Jéhovah. La MIVILUDES a également été condamnée à payer à la Fédération française des Témoins de Jéhovah ses frais de justice.
Il s’agit de la cinquième défaite de la MIVILUDES en sept mois cette année :
- FRANCE: Témoins de Jéhovah c. MIVILUDES/ Tribunal Administratif de Paris (11 juillet 2025)/ FR – FRANCE: Jehovah’s Witnesses v. MIVILUDES/ Administratif Court of Paris (11 July 2025)/ EN
- FRANCE: CAP Liberté de Conscience v. MIVILUDES/ Tribunal Administratif de Paris I (16 mai 2025)/ FR
- FRANCE: CAP Liberté de Conscience v. MIVILUDES/ Tribunal Administratif de Paris II (16 mai 2025)/ FR
- FRANCE: CAP/ Liberté de Conscience v. MIVILUDES/ Tribunal Administratif de Paris III (28 mai 2025)/ FR
- France : Malrevers Kibboutz v. MIVILUDES/ Tribunal Administratif de Paris (21 février 2025)/ FR
Les textes des déclarations diffamatoires du rapport annuel 2021 de la MIVILUDES sont accessibles ICI. En outre, un rapport officiel publié par la Cour des Comptes en France le 22 décembre 2023 soulève un nombre de sérieux problèmes concernant la gestion défaillante de la MIVILUDES. Entretemps, l’Eglise protestante évangélique “Impact Centre chrétien” a également déposé plainte contre la MIVILUDES pour propos diffamatoires à leur sujet dans leur rapport annuel.
Principales conclusions de la Cour
– La Cour a ordonné la suppression de nombreuses déclarations
- alléguant que les Témoins de Jéhovah découragent leurs membres de signaler des délits ou d’utiliser le système judiciaire,
- affirmant que les procédures disciplinaires internes se substituent aux procédures judiciaires,
- suggérant que les Témoins de Jéhovah ne signalent pas les abus commis sur les enfants,
- affirmant que le consentement des membres à un traitement médical est « légalement vicié » en raison de la pression exercée par la communauté,
- accusant le mouvement d’inciter au viol ou d’entraver la justice,
- affirmant que les enfants sont soumis à des pressions psychologiques néfastes ou à l’endoctrinement.
La Cour a souligné que la MIVILUDES s’appuyait sur des témoignages vagues, obsolètes ou non vérifiés, et qu’elle n’apportait pas de preuves concrètes à l’appui de ses affirmations les plus graves.
La Cour a rejeté la défense du ministère selon laquelle ces déclarations n’étaient que des résumés de sources externes, notant que la MIVILUDES avait adopté ces affirmations comme ses propres conclusions.
La Cour a également souligné l’existence de politiques internes au sein de l’organisation des Témoins de Jéhovah qui instruisent explicitement le respect de la loi française, y compris l’obligation de signaler les cas de maltraitance d’enfants.
Déclarations à supprimer
La Cour a ordonné la suppression d’extraits spécifiques de 11 des 19 allégations contestées, y compris des parties des allégations 1, 3, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 18 et 15-16. Il s’agit notamment des allégations selon lesquelles
– Les Témoins de Jéhovah « diabolisent » les institutions de l’État.
– Ils gèrent des « tribunaux judiciaires » qui remplacent les tribunaux civils.
– Ils font pression sur leurs membres pour qu’ils ne signalent pas les crimes.
– Ils incitent à la coercition sexuelle dans le cadre du mariage ou la tolèrent.
– Leurs enseignements causent des dommages psychologiques aux enfants.
Déclarations à ne pas supprimer
La Cour a refusé d’ordonner la suppression de certains passages qui :
- citaient des sources externes (par exemple, des rapports parlementaires ou des articles de presse) sans que la MIVILUDES ne les ait explicitement approuvées,
- décrivaient des pratiques ou des croyances religieuses sans affirmer qu’il s’agit d’un acte répréhensible d’un point de vue juridique ou moral.
Toutefois, la Cour a précisé que même si certaines déclarations étaient factuellement inexactes, elles ne pouvaient être annulées que si elles étaient présentées comme les propres conclusions de la MIVILUDES ayant des effets notables.
Importance de l’arrêt
Cet arrêt constitue une victoire juridique majeure pour les Témoins de Jéhovah et les autres communautés religieuses en France.
- Il confirme que la MIVILUDES doit respecter les normes juridiques en matière de preuve et de neutralité dans ses rapports sur des groupes religieux.
- Il renforce le principe de la liberté religieuse ainsi que le droit à une évaluation équitable et impartiale par les autorités publiques.
- Il crée un précédent en matière de contestation de contenus diffamatoires ou discriminatoires dans les publications officielles du gouvernement.
Le jugement s’aligne également sur de précédentes décisions de justice en France qui ont rejeté des allégations similaires contre les Témoins de Jéhovah, démontrant ainsi que de nombreuses allégations faites par la MIVILUDES et d’autres n’ont pas résisté à l’examen judiciaire.
(*) Article d’abord publié en anglais par Human Rights Without Frontiers et traduit par CAP/ Liberté de conscience.
Pour en savoir plus
FRANCE: MIVILUDES loses again against Jehovah’s Witnesses in court (Analyse juridique)
FRANCE: The situation is back in flux at MIVILUDES, its head has packed his bags