Nombre de pratiquants de yoga ont déposé plainte concernant les conditions de leur garde à vue

Par Willy Fautré, directeur de Human Rights Without Frontiers (https://hrwf.eu)

Source : https://europeantimes.news/fr/2024/11/france-police-raids-romanian-yoga-1-year/

Le 28 novembre, cela fera un an que des forces spéciales d’intervention d’environ 175 policiers portant des masques noirs, des casques et des gilets pare-balles, ont, dès 6 heures du matin, opéré des descentes simultanées dans huit maisons et appartements différents à Paris, en région parisienne, mais aussi à Nice, où des pratiquants de yoga roumains avaient décidé de faire une retraite spirituelle. Les forces de police ont alors brandi des fusils semi-automatiques en hurlant, faisant un énorme vacarme, fracassant portes et fenêtres, mettant tout sens dessus dessous.

Les raids de novembre 2023 n’étaient pas une opération contre un groupe terroriste ou armé ou bien un cartel de la drogue. Il s’agissait d’une opération visant huit lieux privés principalement utilisés par de paisibles pratiquants roumains de yoga mais la police soupçonnait ces lieux de séjour d’être utilisés à des fins de trafic d’être humains, d’exploitation sexuelle et de séquestration.

En fait, la plupart des pratiquants de yoga avaient choisi de joindre l’utile à l’agréable en France : faire du yoga et de la méditation dans des villas ou des appartements mis gracieusement à leur disposition par leurs propriétaires ou leurs locataires, qui étaient eux-mêmes des pratiquants de yoga d’origine roumaine, tout en profitant d’environnements naturels ou pittoresques.

A propos de l’absence de victimes et des questions soulevées par le mandat de perquisition

L’objectif du raid était non seulement d’arrêter des criminels mais également de sauver les victimes ou les survivants d’activités illégales présumées. Le « problème », c’est que les adeptes du yoga interrogés par la police ont fermement nié avoir été victimes de quoi que ce soit pendant leur séjour et, par conséquent, n’ont déposé aucune plainte contre leurs hôtes.

Un an plus tard, on ne sait toujours pas officiellement et publiquement quels acteurs et quels éléments d’enquête préliminaire ont convaincu un procureur de lancer des perquisitions d’une telle ampleur.

Les forces de l’ordre avaient seulement appris que l’opération était basée sur un mandat de perquisition destiné à arrêter des criminels impliqués dans la « traite des êtres humains », la « séquestration » et l’ « abus de vulnérabilité » en bande organisée.

Force est de constater que le libellé du mandat a façonné l’esprit des enquêteurs sur les lieux de perquisition et dans les commissariats de police, ainsi que celui des avocats requis pour assistance juridique et des interprètes engagés dans leur interaction avec les personnes arrêtées, soit environ une cinquantaine. C’est ce qui ressort des témoignages de nombreux pratiquants de yoga placés en garde à vue qui ont été recueillis par Human Rights Without Frontiers. Aux yeux de tous ces acteurs intervenants, il s’agissait d’une affaire très grave et parmi pour eux ces personnes arrêtées se trouvaient peut-être des trafiquants d’êtres humains, des auteurs d’abus sexuels et de manipulation mentale.

En novembre 2023, six personnes ont été arrêtées et placées en détention provisoire. Parmi elles, Gregorian Bivolaru, le maître spirituel de MISA (Mouvement pour l’intégration spirituelle dans l’absolu), un mouvement de yoga ésotérique qu’il a fondé en 1990 en Roumanie et qui comptait 30 000 pratiquants dans le monde avant le COVID. Il a fait l’objet d’un mandat d’arrêt d’Interpol car six anciennes étudiantes mécontentes de MISA ont porté plainte contre lui il y a de nombreuses années pour trafic d’êtres humains, abus sexuels et séquestration, mais en cette fin d’année 2024, il n’y a toujours pas eu de procès et donc pas de confirmation de ces accusations.

Les autres détenus étaient les propriétaires ou les locataires des lieux perquisitionnés contre lesquels une enquête a été menée sur leur éventuelle implication dans les activités criminelles mentionnées dans le mandat d’arrêt français.

L’arrestation de Mihai et Adina Stoian en Géorgie

Le 22 août 2024, Mihai et Adina Stoian, connus comme professeurs et formateurs de yoga ésotérique, ont été arrêtés alors qu’ils entraient en Géorgie, dans le cadre d’un voyage touristique, par la frontière avec la Turquie à Sarpi.

Les médias géorgiens ont rapporté que les Stoian ont été arrêtés sur la base d’un mandat d’arrêt d’Interpol et qu’ils sont recherchés par les autorités judiciaires en France. Par ailleurs, la presse géorgienne indique qu’ils ont également été poursuivis « en Finlande et en Roumanie pour prostitution de mineurs et viols ». Cette dernière information est cependant fausse.

A notre connaissance, les Stoians ne font l’objet d’aucune poursuite en Finlande ou en Roumanie. Ce n’est qu’au moment de leur arrestation en Géorgie qu’un mandat d’arrêt international et d’extradition leur a été notifié par le tribunal de Paris, en France.

Selon certains médias français, Mihai et Adina Stoian sont considérés comme proches de Gregorian Bivolaru depuis de nombreuses années et dirigeraient le mouvement en son absence.

Mihai et Adina Stoian nient avoir été impliqués dans l’administration du mouvement MISA. Cependant, ils ont eu des relations de travail avec d’autres mouvements de yoga, tels que la Fédération ATMAN et NATHA.

ATMAN, la Fédération internationale de yoga et de méditation, a été créée le 7 décembre 2004 par des professeurs et des formateurs de yoga issus de différents mouvements de yoga et enregistrée au Royaume-Uni, où elle est toujours implantée. En 2006, Mihai et Adina Stoian ont rejoint ATMAN et ont formé d’autres professeurs de yoga sur une base volontaire. En tant que professeurs principaux, ils ont commencé à unifier le programme et la méthodologie d’enseignement. Par la suite, MISA est devenue membre d’ATMAN et, de ce fait, les Stoian précisent que leur relation avec MISA n’était qu’indirecte. Le 27 octobre 2016, Mihai Stoian est devenu l’un des trois directeurs d’ATMAN. Adina a continué à former des professeurs de yoga et n’a jamais été membre du conseil d’administration.

Alors que les Stoian sont en prison en Géorgie, une douzaine de policiers danois accompagnés d’un représentant du procureur français ont perquisitionné les espaces communs de l’association de yoga NATHA au Danemark, où les Stoian travaillaient à temps partiel. Personne n’a été arrêté ou interrogé au cours de la perquisition. La police a simplement emporté quelques appareils électroniques.

Quelques conclusions

Le mandat français conduisant aux perquisitions en France en novembre 2023 et le mandat d’arrêt international mis en œuvre en Géorgie, tels qu’ils ont été rédigés, ont fait naître des préjugés et façonné l’esprit de tous les acteurs impliqués dans l’enquête qui n’ont manifestement pas considéré les accusations comme n’étant rien d’autre que des allégations.

En outre, de nombreux journalistes et médias ont perçu à tort les accusations comme des faits avérés, omettant très souvent de mentionner l’absence de victimes et la présomption d’innocence des suspects, puisque l’affaire est toujours en cours d’instruction et que nous sommes encore loin d’une décision de justice.

Enfin, il convient de noter qu’un nombre important de pratiquants roumains de yoga, hommes et femmes, placés en garde à vue après les perquisitions en France, ont déposé des plaintes contre les autorités françaises pour non-respect de la législation pendant leur détention.

Pour en savoir plus:

MISA: Spiritual Explorations and Experiences in the Practice of Esoteric Yoga

(The Journal of CESNUR, 2 November 2024)

Par Raffaella Di Marzio , Center for Studies on Freedom of Religion Belief and Conscience (LIREC)

 

 

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